Cela fait sept ans qu’Anne Fréhel-Colin est trufficultrice à Chanceaux-sur-Choisille, non loin de Tours (37). A l’occasion d’une sortie organisée par La Balade gourmande, nous avons accompagné cette passionnée lors du "cavage" des truffes, autrement dit lors de la récolte. Anne possède un terrain de 15 hectares sur lequel sont plantés près de 4500 chênes truffiers, âgés de 5 à 21 ans.
Un terrain en pente pour un bon drainage des eaux, un taux de calcaire dans le sol élevé, un bel ensoleillement… Voilà quelques critères qui doivent être respectés pour espérer pouvoir récolter un jour le fameux or noir. Mais la culture de la truffe est très aléatoire et parfois bien mystérieuse. Seuls 30 % des chênes seront productifs. Et lorsqu’on sait qu’un arbre est "mature" au bout de dix ans en moyenne, on comprend mieux pourquoi ce champignon est un produit de luxe !
Pour caver les truffes, Anne s’accompagne de Bobine, Teckel à poils durs de cinq ans (un peu fofolle mais efficace quand il faut !). Formés pendant deux ou trois ans avec de l’arôme de truffes, les chiens truffiers doivent surtout être résistants au froid, la race n’ayant finalement que peu d’importance.
Les truffes se développent au pied des chênes. Elles vivent en symbiose avec les racines des arbres et sont reliées par un ensemble de filaments, sorte de cordon ombilical. Chose étonnante, tout ce réseau sous-terrain provoque, sur une zone circulaire autour du tronc, ce qu’on appelle un "brûlé", zone où l’herbe est moins présente et où la terre est presque mise à nu.
La saison des truffes se déroule de mi-novembre jusqu’à fin février. Les autres mois étant utilisés à entretenir la chênaie. Pas de mystère, cette année n’a pas été bonne. Résultat : des truffes beaucoup plus petites (la plus grosse pèse 120 g, sachant que le record est de 750 g !), en faible quantité (Anne n’a récolté que 25 % d’une production normale) et encrées beaucoup plus profondément dans le sol (à 20 cm sous terre contre 8 à 10 cm habituellement). La conséquence est immédiate : les prix flambent !
Anne cultive la "tuber mélanosporum" (à droite sur la photo), également appelée "truffe noire du Périgord" que l’on trouve, contrairement à ce que son nom indique, beaucoup plus dans le sud-est que dans le sud-ouest de la France. Autant dire que c’est un peu la Rolls de la truffe ! A ne pas confondre avec la brumale (à gauche sur l'image), visuellement similaire mais beaucoup moins savoureuse. Les amateurs reconnaîtront la brumale, une fois coupée, à ses veines blanches plus épaisses. Par contre, celle-ci est appréciée par certains restaurateurs car elle supporte beaucoup mieux la cuisson que sa consoeur… et parce qu’elle est moins chère !
De retour de notre marche avec Anne et Bobine, direction les cuisines pour confectionner un beurre de truffes. C’est tout simple : on prend 35 g de beurre, on ajoute 15 g de truffes, on écrase le tout avec fourchette et couteau, puis on laisse reposer au frais au moins 24h afin que la mélanosporum exhale tous ses parfums. A déguster dans une purée maison ou sur des mouillettes avec un œuf à la coque. Autre idée recette : couper un brie de Meaux en deux dans l’épaisseur (ou un brillat-savarin), tartiner sur chaque face 2 à 3 mm de mascarpone (oui, c’est très léger !), puis ajouter des brisures ou des lamelles de truffes. Refermer et laisser reposer au frais.
L’idéal est d’acheter la truffe fraîche, mais attention, comme tout champignon, elle ne se conserve pas longtemps ! Le mieux est de la mettre sur un papier absorbant avec quelques grains de riz dans une boîte hermétique, le tout placé dans le bac à légumes de votre frigo. Vous pouvez également très bien la congeler. Quant aux fameux bocaux renfermant un minuscule morceau de truffe trempant dans son jus, ils n’ont généralement que peu d’intérêt gustatif…