Vous n'avez pas pu passer à côté, le guide Michelin 2015, fraîchement sorti, n'a pas été tendre avec notre Touraine, retirant à Hervé Lussault (restaurant Charles Barrier, à Tours) et Olivier Arlot (La Chancelière, à Montbazon) leur seule étoile. Et comme chaque année, toujours les mêmes polémiques : la célèbre bible rouge est-elle dépassée, poussiéreuse, trop éloignée de la réalité du terrain ? Sur le très bon site Atabula, Franck Pinay-Rabaroust est allé directement demander l'avis de trois critiques gastronomiques à propos de la nouvelle cuvée du guide Michelin.
François Simon, journaliste au Monde et auteur du blog « Simon says », fait un constat tranchant sur le Michelin, mais entrevoit de la lumière : « Avant, le guide était au fond de l’océan et coulait chaque année un petit peu plus, lesté par sa culture passéiste. Là, on peut dire qu'il continue de boire la tasse mais il y a comme un espoir d'amélioration ».
Mais pour lui, le Bibendum rate souvent le coche lorsqu'il s'agit de détecter la fraîcheur et la nouveauté : « Le guide conserve toujours un décalage terrible entre sa sélection et le terrain. Il n'arrive pas à s'accrocher au bon moment aux dernières tendances. […] Il suffit de regarder son aveuglement face à la qualité des chefs étrangers, et notamment japonais. Il a fallu huit longues années pour que les inspecteurs du Michelin louent la qualité d’un chef comme Tateru Yoshino qui œuvrait au feu Stella Marris (Paris 8e arr.) : il réalisait la meilleure tourte de gibier de Paris, loin devant la plupart des grands chefs multi-étoilés. Cela n'est qu'un exemple parmi d'autres qui montre la suffisance culturelle du Michelin. […] Le Michelin tente donc de sortir de l'ornière et veut maintenir son statut de patron dans un monde en mouvement : le défi est de taille. Ils ont su cette année trouver de jeunes chefs intéressants. Mais ce que je souhaite par-dessus tout, c'est de voir, par delà la nouveauté des nouveaux arrivants, un renouvellement des valeurs ».
Périco Légasse collabore au magazine Marianne et anime La Bonne Étape sur TV Tours. Il voit en cette nouvelle sélection du guide Michelin une ode au spectaculaire et à la créativité. Quitte à remiser au placard la cuisine classique ?
« Pour bien voir la révolution en cours chez Michelin, il faut surtout s’attarder sur les étoiles qui ont été supprimées, il est là le jeu de massacre d’une certaine cuisine française. Ce sont des maisons à la cuisine classique qui ont été dans le viseur, alors même qu'elles sont régulières dans la qualité de la cuisine. Ce n'est donc pas une baisse de qualité des plats qui justifierait la suppression de l'étoile mais bel et bien un changement de politique du Michelin qui veut privilégier le spectaculaire sur le classique, aussi moderne soit-il. Attention danger avec la prime à la créativité ! »
Selon lui, en voulant se moderniser, le guide rouge ne surfe finalement pas du tout sur la tendance : « Paradoxalement, le Michelin nage de nouveau à contre-courant. Alors que la cuisine française revient sur le produit, sur la simplicité des accords, sur la simplicité dans l'assiette, dans une forme de pureté, le Michelin arrive avec ses gros pneus pour survaloriser le spectaculaire. Le guide se trompe de route en oubliant la rigueur du cuisinier et en mettant « au goût du jour » seulement ce qui flatte l'œil. […] Le Michelin change donc de braquet : il en a tellement marre d'être taxé de ringardisme et de conservatisme qu'il devait évoluer. Mais là, dans une sorte de jeu de balancier, il est en train de jeter le bébé avec l'eau du bain. »
Et enfin, Emmanuel Rubin, journaliste au Figaroscope et co-créateur du Fooding, considère que le célèbre guide est bien fade, comme à son habitude : « Le guide 2015 n'est ni un mauvais cru, ni un bon cru. Globalement, les restaurants primés méritent leur récompense. Mais le souci, c’est que le Michelin ne fait rien comme il faut, il ne va pas au bout des choses. […] Le Michelin est devenu une puissance molle : il récompense à moitié, il sanctionne à moitié. Il aurait fallu avoir de l’audace et aller au bout de la démarche : trois fois trois étoiles à Paris était un tiercé d’évidence que personne n’aurait contesté. Et cela aurait de la gueule sur la scène internationale. Mais non, cela aurait été trop pour eux. Le Michelin joue au petit malin sans jamais s'expliquer. Finalement, c'est un Michelin fidèle à lui-même. Décevant ».
Ces avis, qu'ils soient partagés ou décriés, ne peuvent faire oublier que le guide Michelin reste quand même une référence à tel point que la perte d'une étoile peut se traduire par une baisse de 20 à 30 % de la clientèle... et donc du chiffre d'affaires.
Retrouvez l'article complet sur Atabula : François Simon, Périco Légasse et Emmanuel Rubin : trois regards sur la sélection du Michelin 2015
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